Jean Couranjou |
Les carreaux de faïence de la Régence turque d’Alger |
Les carreaux italiens de Naples
Alger. Palais du Bardo J. Couranjou, 1959 |
A différents points de vue, les carreaux napolitains occupent une place très particulière. Il s’agit d’une production brutale qui apparaît à la fin du 18e siècle et se prolonge dans une partie du 19e ; elle est sans antécédents évolutifs à la différence des productions des autres pays ayant fourni la Régence turque d’Alger. Sans parenté avec les riches revêtements faïencés napolitains de la fin du 18e, c’est une confection qu’on pourrait dire de « grande cavalerie » représentée par un nombre considérable de modèles de 19 à 20 cm. Sans grande qualité artistique, elle fut cependant appréciée en particulier en Tunisie où elle a supplanté la faïence locale qui avait perdu de sa qualité. Aussi bien en Tunisie qu’en Algérie, elle est très utilisée pour le pavement ce qui n’est pas le cas des carreaux de toutes les autres origines. C’est peut-être la preuve de sa qualité technique. Dans les demeures algéroises de la fin du 18e, si le sol du wust al-dār*(« cœur de la maison » en arabe) : cour intérieure centrale autour de laquelle s’articule la demeure. continue d’être revêtu de plaques de marbre généralement hexagonales, avec l’importation des carreaux napolitains, ce sont eux désormais qui à l’étage servent au pavement.
Pour ces carreaux à motif élémentaire, comme pour ceux des autres provenances, le poncif*Pièce de papier fort, portant des perforations disposées selon les contours du dessin à réaliser. Elle est appliquée sur la surface du carreau ; l’instrument qui l’accompagne est la poncette, sachet de tissu fin renfermant une poudre de charbon animal ou de graphite. La poncette est appliquée par petits coups sur le poncif à la manière d’un tampon (on parle aussi de tampon à poncif ) ; elle permet ainsi le passage de la poudre à travers les perforations du poncif. Le motif apparaît par points sur la surface du carreau. Ils servent de guide pour tracer au pinceau, le plus souvent au violet de manganèse, les contours du motif ou cernes ; on parle en ce cas de motif chatironné. La mise en place est alors faite. Il ne reste qu’à colorer les divers espaces ainsi aménagés. est largement utilisé mais le pochoirFine lame métallique comportant des évidements correspondant aux différentes surfaces du motif. Il est directement appliqué sur le carreau, tandis que la couleur déposée au pinceau se limite aux espaces fixés par le pochoir. Le motif ne comporte donc pas de cerne. La confection au pochoir est très reconnaissable aux lignes non colorées traversant le motif et correspondant aux « ponts » nécessaires au maintien des éléments de la lame métallique, aux légères bavures caractéristiques laissées par la couleur accumulée sur les bords des zones peintes et souvent aussi par les traces linéaires apparaissant dans ces zones, dues au passage du pinceau brosse.* (chap. Glossaire) d’utilisation plus rapide peut l’être aussi, au moins pour certains éléments comme les fréquentes volutes, le plus souvent bleues, servant à la mise en place du motif, mais parfois plus largement.
Très généralement le motif est de nature assez géométrique. Il présente très souvent des éléments caractéristiques, en particulier diverses sortes de volutes depuis les plus simples (virgules) jusqu’aux plus composées en passant par les formes en C et celles en S parfois avec arêtes. On peut y trouver aussi des petits fleurons simples et un galon de séparation violet à interruptions. Le mode de remplissage des surfaces n’est généralement pas plein mais en hachures, croisillons, écailles, plus rarement plein cotonneux ou marbrures ; certains modèles présentent un damier violet et blanc. Des teintes inexistantes pour les autres origines apparaissent parfois : brun, rose vineux... Le plus souvent les éléments ne sont pas cernés.
Enfin le dos du carreau peut porter en creux une marque de fabrique (ci-contre à droite).
Parmi le grand nombre de modèles existant en Algérie (dans l’ouvrage, j’en ai limité le nombre à une cinquantaine), seuls quelques exemples dont je ne donne pas ici le nom que je leur ai attribué, sont donnés ici dans quelques-unes des symétries rencontrées.
Symétrie diagonale
Aux six modèles présentés ci-dessous, on peut ajouter celui ornant l’intérieur du bassin au Palais du Bardo à Alger (cliché en tête de chapitre).
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1. Couranjou J., 1998a. Còpies napolitanes de dues rajoles catalanes. Particularitat de simetria [Copies napolitaines de deux carreaux catalans. Particularités de symétrie]. Butlleti Informatiu de Ceramicà, 63, 45-47. (en catalan).